Vol de nuit – Antoine de Saint-Exupéry
Quatrième de couverture :
Ainsi les trois avions postaux de la Patagonie, du Chili et du Paraguay revenaient du sud, de l’ouest et du nord vers Buenos Aires. On y attendait leur chargement pour donner le départ, vers minuit, à l’avion d’Europe.
Trois pilotes, chacun à l’arrière d’un capot lourd comme un chaland, perdus dans la nuit, méditaient leur vol, et, vers la ville immense, descendraient lentement de leur ciel d’orage ou de paix, comme d’étranges paysans descendent de leurs montagnes.
Rivière, responsable du réseau entier, se promenait de long en large sur le terrain d’atterrissage de Buenos Aires. Il demeurait silencieux car, jusqu’à l’arrivée des trois avions, cette journée, pour lui, restait redoutable…
« Les collines, sous l’avion, creusaient déjà leur sillage d’ombre dans l’or du soir. Les plaines devenaient lumineuses mais d’une inusable lumière : dans ce pays elles n’en finissent pas de rendre leur or de même qu’après l’hiver, elles n’en finissent pas de rendre leur neige. Et le pilote Fabien, qui ramenait de l’extrême Sud, vers Buenos Aires, le courrier de Patagonie, reconnaissait l’approche du soir aux mêmes signes que les eaux d’un port : à ce calme, à ces rides légères qu’à peine dessinaient de tranquilles nuages. Il entrait dans une rade immense et bienheureuse. »
Mon avis :
A part bien sûr Le petit prince dans ma jeunesse, je n’ai rien lu de l’œuvre d’Antoine de Saint-Exupéry jusqu’à présent. Comme une envie d’un retour aux sources, je me plonge plus fréquemment dans des classiques et j’ai trouvé mon bonheur le mois dernier dans ma librairie de quartier avec Vol de nuit. Lauréat du prix Femina en 1931, c’est ce livre qui fera connaître l’écrivain au grand public. L’ouvrage s’ouvre sur une préface d’André Gide.
Proche de l’autobiographie, Vol de nuit relate l’expérience de Saint-Exupéry comme pilote aéropostal (tel qu’il le fait dans nombreuses de ses œuvres). Dans cette fiction, Rivière, haut responsable, a en charge l’envoi de trois vols postaux de nuit. La peur des pilotes est la sienne, tant que les avions ne sont pas arrivés à destination…
Derrière les mots de l’écrivain, c’est le reflet d’une époque qui transparait. Celle où voler de nuit était considéré comme un acte héroïque et où les jeunes pilotes comme Roland Garros laissaient leur nom dans l’Histoire. Dans son récit, Antoine de Saint-Exupéry décrit une nuit noire, dans laquelle le danger survient. Si le terme de héros peut, de prime abord, sembler galvaudé, il prend tout son sens à la lecture du texte de l’auteur. La folie de ces hommes, la peur inévitable, et l’angoisse des familles se mêlent à la dévotion entière liée à la passion du métier.
A cet hommage rendu par l’homme de lettres, s’ajoute une sublime ode à notre terre. La beauté des paysages, les couleurs de la nuit, le ciel étoilé sont autant de choses que l’auteur aime à partager et à décrire dans ses romans. Cette planète, si belle, est aussi si dangereuse pour l’homme dans les nuages. Les caprices du temps peuvent être violents et inéluctables.
J’ai aimé la langue d’Antoine de Saint-Exupéry et sa poésie. J’ai été touchée par ces vies, fragiles et éphémères. L’histoire de ces pilotes est mise en lumière avec respect et honneur. Vol de nuit m’a marquée et je vous le recommande.