Vingt-quatre heures de la vie d’une femme – Stefan Zweig
Quatrième de couverture :
Scandale dans une pension de famille « comme il faut », sur la Côte d’Azur du début du siècle : Mme Henriette, la femme d’un des clients, s’est enfuie avec un jeune homme qui pourtant n’avait passé là qu’une journée… Seul le narrateur tente de comprendre cette « créature sans moralité », avec l’aide inattendue d’une vieille dame anglaise très distinguée, qui lui expliquera quels feux mal éteints cette aventure a ranimés chez elle. Ce récit d’une passion foudroyante, bref et aigu comme les affectionnait l’auteur d’Amok et du Joueur d’échecs, est une de ses plus incontestables réussites.
« Dans la petite pension de la Riviera où je me trouvais alors (dix ans avant la guerre), avait éclaté à notre table une violente discussion qui brusquement menaça de tourner en altercation furieuse et fut même accompagnée de paroles haineuses et injurieuses. La plupart des gens n’ont qu’une imagination émoussée. Ce qui ne les touche pas directement, en leur enfonçant comme un coin aigu en plein cerveau, n’arrive guère à les émouvoir ; mais si devant leurs yeux, à portée immédiate de leur sensibilité, se produit quelque chose, même de peu d’importance, aussitôt bouillonne en eux une passion démesurée. »
Mon avis :
Avez-vous remarqué que dans chaque boîte à livres se cache un titre de Stefan Zweig ? Ouvrez l’œil la prochaine fois, vous constaterez que j’ai raison. J’ai trouvé Lettre d’une inconnue en début d’année dans celle de mon quartier. Plus tard, lors d’une balade dominicale, je tombais sur un ouvrage moins connu de l’auteur autrichien et je décidais de le laisser à d’autres passants. Le lendemain, découvrant une nouvelle boîte, je fouillais et aperçus rapidement Vingt-quatre heures de la vie d’une femme. Je glissais le récit dans mon sac.
Alors que le calme règne entre les sept pensionnaires de cette villa de la Côte d’Azur, l’arrivée d’un jeune Français va venir perturber le groupe. Quelques heures seulement après les présentations, Mme Henriette – l’épouse d’un résident – prend la fuite avec le bellâtre. Peut-on croire à un coup de foudre ?Était-ce prémédité ? Que peut justifier ce coup de folie de la part de la jeune femme ?
Tous vont s’interroger, sur les intentions du Français et sur celles de l’épouse disparue. Le narrateur, lui, ne veut tirer de conclusions hâtives. Une vieille dame anglaise, séjournant elle aussi dans la pension, ouvre son cœur à ce jeune homme, qu’elle sent à l’écoute et sans préjugé. Mais les mots prennent parfois plus de liberté à l’écrit. Mrs C… décide finalement de lui adresser ses confidences dans une lettre.
A sa façon de planter le décor, d’installer ses personnages et d’amorcer l’intrigue, le début du récit s’apparente aux romans d’Agatha Christie. Stefan Zweig ouvre sa nouvelle avec un huis clos, dans lequel l’ambiance laisse à penser que, très vite, un drame va se jouer. Le climat s’installe et la partition prend vie.
Puis, le texte bascule dans une autre dimension, loin du polar que l’on s’imaginait. Le narrateur – aux faux airs de Stefan Zweig – retranscrit d’un seul souffle le monologue déchirant de cette vieille dame. Telle une délivrance, Mrs C… noircit des pages de passion, de vive émotion et de sincérité. L’écrivain utilise ici les mêmes codes que dans Lettre d’une inconnue.
Stefan Zweig excelle dans l’art de la nouvelle. Sa plume est juste, précise et son scénario intelligent. Vingt-quatre heures de la vie d’une femme m’a faite rire, avant de m’émouvoir. Par un de ses thèmes, il m’a aussi ramenée à la lecture du Joueur d’échecs. Enfin, je souligne la très belle introduction qui ouvre le roman. Elle inclut la lettre d’adieu de l’auteur, datée du 22 février 1942, juste avant son suicide. Ses mots m’ont bouleversée.