Toute une moitié du monde, Alice Zéniter : Mon avis
Quatrième de couverture :
« S’il y avait un message diffusé dans des haut-parleurs avant l’entrée en territoire de fiction, il ressemblerait, curieusement, à celui des assurances ou des banques jointes par téléphone : Patientez quelques instants, vous allez être mise en relation… Ce que je cherche, sans doute, depuis le début, en tant que lectrice et en tant qu’écrivaine, ce sont des récits qui me permettent d’entrer en relation avec des êtres qui me sont inconnus et me deviendront proches, tout comme des récits qui leur permettent – à l’intérieur de la fiction – des relations riches, complexes et fragiles. » Avec Toute une moitié du monde, Alice Zeniter écrit un livre hautement stimulant, fondé sur ses expériences personnelles de lectrice avant tout, mais d’écrivaine aussi, un livre qui nous invite à repenser nos façons de lire les histoires qu’on nous raconte. C’est aux lecteurs que nous sommes qu’il s’adresse, c’est avec eux qu’il converse, avec autant de sérieux que d’allégresse, autant d’humour que d’érudition. Ce livre est tout simplement l’histoire d’une femme qui aimerait qu’on ouvre en grand les fenêtres de la fiction.
Questionnements sur la fiction.
Très peu coutumière des rayons documents en librairie, je serais probablement passée à côté du nouvel ouvrage d’Alice Zeniter en utilisant le schéma classique. Feuilletant le catalogue de rentrée littéraire du réseau Maison de la presse, j’ai jeté mon dévolu sur Toute une moitié du monde, sans savoir qu’il s’agissait d’un essai. Une fois le livre dans ma boîte aux lettres, j’ai compris que j’allais, une fois de plus, sortir des sentiers battus !
Contrairement à ce qu’en ont dit les statistiques depuis, le confinement du printemps 2020 n’a pas été propice à la lecture pour Alice Zeniter. Si les français disent s’être remis à la littérature, l’écrivaine ressent à ce moment-là un rejet pour la fiction. En cause : le modèle obsolète proposé dans les romans. Alors, l’autrice s’interroge. La fiction peut-elle distraire en éduquant ?
Loin du roman et du célèbre L’Art de perdre (Flammarion, 2017, prix Goncourt des lycéens), Toute une moitié du monde s’approche de l’essai littéraire. L’autrice s’en défend pourtant, en préliminaire de son ouvrage : « Si on considère ce livre comme un essai, il ne se comportera pas tout à fait bien. Il désobéira ici ou là. Il manquera à ses obligations de sérieux. » Et, de préciser : « Si on le considère comme une rêverie autour de la fiction, il péchera au contraire par excès de sérieux de temps à autre. »
« Ce livre est un livre d’écrivaine mais sans doute avant tout un livre de lectrice. Il porte sur de vieux souvenirs de lecture comme sur des livres récemment ouverts et posés sur la table de chevet. Sa cohérence vient du fait que les ouvrages dont je parle, c’est moi qui les ai lus et qui continue à en porter les bribes, des fantômes de phrases ou de personnages, des paragraphes tronqués et devenus ritournelles. Je suis ce qui transforme en ensemble les livres si différents que je cite. »
Alors, comment en parler ? Comment résumer Toute une moitié du monde ? Si la structure ne se veut pas académique, le ton, lui, est résolument féministe, dénonciateur et engagé. Évoquant sa condition d’autrice et, par exemple, les comportements de la gente masculine dans le milieu éditorial, l’écrivaine nomme et interroge. A travers des extraits de films, de livres ou sa propre expérience, Alice Zeniter démontre son propos. Le texte est jonché de notes de bas de page, documentant ainsi les références culturelles exposées.
Après un début révoltant et inspirant, l’abondance de parenthèses et de digressions se font ressentir sur la seconde partie. L’essai n’en est pas moins intéressant. Il interpelle, questionne et fait parfois sourire. Il est aussi source pertinente d’idées de lecture.
J’ai aimé l’audace d’Alice Zeniter, et je suis maintenant curieuse de découvrir ce qu’elle propose dans la fiction.
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Quel autre essai sur la littérature me recommandez-vous ?
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