Soleil amer, Lilia Hassaine : Mon avis
Quatrième de couverture :
À la fin des années 50, dans la région de l’Aurès en Algérie, Naja élève seule ses trois filles depuis que son mari Saïd a été recruté pour travailler en France. Quelques années plus tard, devenu ouvrier spécialisé, il parvient à faire venir sa famille en région parisienne. Naja tombe enceinte, mais leurs conditions de vie ne permettent pas au couple d’envisager de garder l’enfant… Avec ce second roman, Lilia Hassaine aborde la question de l’intégration des populations algériennes dans la société française entre le début des années 60 et la fin des années 80. De l’âge d’or des cités HLM à leur abandon progressif, c’est une période charnière qu’elle dépeint d’un trait. Une histoire intense, portée par des personnages féminins flamboyants.
Une histoire d’immigration.
Un titre percutant, un prénom qui appelle le soleil et les mots de François Busnel un mercredi soir m’ont fait atterrir tout droit en librairie le lendemain matin pour me procurer Soleil amer. Lilia Hassaine porte sur elle l’étiquette de la chroniqueuse d’émission TV tendance qui – au lieu de me rebuter comme je l’ai lu chez certains – a attisé ma curiosité. Peut-on être une écrivaine de talent et s’adresser aux jeunes sur une chaîne de la TNT ? Assurément !
Saïd travaille dans une usine française depuis cinq ans lorsqu’il réussit à rapatrier sa famille d’Algérie en 1964. L’absence fut longue, les retrouvailles heureuses. Il ne faut que quelques mois à Naja pour tomber enceinte. Le couple compte déjà trois filles et n’a pas les moyens d’élever un quatrième enfant. La décision est prise : à la naissance, le bébé sera donné à Kader, le frère de Saïd et son épouse, qui ne peuvent en avoir…
« La guerre était finie, et elle avait charrié avec elle son lot de silences et de secrets. Saïd travaillait en France depuis cinq ans maintenant. De manœuvre, il était devenu ouvrier spécialisé ; il savait qu’il n’évoluerait plus. Sa seule fierté était d’avoir économisé assez d’argent pour faire venir sa famille. «
D’une écriture maîtrisée et percutante, Lilia Hassaine déploie un second roman surprenant, dans lequel les secrets, l’exil, la culture algérienne forgent le récit. Dans un texte court et riche, l’auteure dresse le portrait de cette famille d’immigrés, sur plus de trente ans de vie. Si la quatrième grossesse de Naja vient perturber leurs nouvelles habitudes sur le sol français et que l’inattendu se joue des décisions humaines, Saïd tient à ses coutumes locales et élève ses filles comme on le fait dans son pays. Le mariage est un devoir pour une femme. Et c’est au père que revient le choix du mari.
Avec émotion et, on l’imagine, une pointe d’auto-fiction, Lilia Hassaine dépeint des héroïnes combatives, déterminées, fortes et féministes avant l’heure. Elle pose la question de l’intégration et décrit les classes sociales françaises des années 60 à 80. Entretenu par un secret de famille bien gardé, le choc des cultures ne quittera jamais Saïd, Naja, Kader et leurs enfants.
Qu’aurait-on fait à leur place ? Comment s’émanciper sous la coupe d’un patriarche comme Saïd ? Soleil amer raconte et interroge. Un roman remarquable à la plume brillante.