Paradis perdus, Eric-Emmanuel Schmitt : Mon avis
Quatrième de couverture :
Cette Traversée des temps affronte un prodigieux défi : raconter l’histoire de l’humanité sous la forme d’un roman. Faire défiler les siècles, en embrasser les âges, en sentir les bouleversements, comme si Yuval Noah Harari avait croisé Alexandre Dumas. Depuis plus de trente ans, ce projet titanesque occupe Eric-Emmanuel Schmitt. Accumulant connaissances scientifiques, médicales, religieuses, philosophiques, créant des personnages forts, touchants, vivants, il lui donne aujourd’hui naissance et nous propulse d’un monde à l’autre, de la préhistoire à nos jours, d’évolutions en révolutions, tandis que le passé éclaire le présent.
Paradis perdus lance cette aventure unique. Noam en est le héros. Né il y a 8000 ans dans un village lacustre, au cœur d’une nature paradisiaque, il a affronté les drames de son clan le jour où il a rencontré Noura, une femme imprévisible et fascinante, qui le révèle à lui-même. Il s’est mesuré à une calamité célèbre : le Déluge. Non seulement le Déluge fit entrer Noam-Noé dans l’Histoire mais il détermina son destin. Serait-il le seul à parcourir les époques ?
« Je suis né il y a plusieurs milliers d’années, dans un pays de ruisseaux et de rivières, au bord d’un lac devenu une mer. Par modestie ou par prudence, j’aurais préféré ne jamais écrire cette phrase : elle ébruite un destin que j’ai tenu secret. Avec mille précautions, j’ai dissimulé ma vérité aux hommes ; je les ai évités, je leur ai menti ; j’ai fui, voyagé, erré, adopté de nouvelles langues ; je me suis caché, isolé, renommé, maquillé, déguisé, mutilé ; j’ai pourchassé l’anonymat, j’ai enduré des solitudes désertiques, parfois même j’ai pleuré. Peu importait. Ils devaient m’oublier, égarer ma trace. »
Mon avis :
Quelle émotion aujourd’hui de vous parler de ce titre ! Pour les gens de passage, Eric-Emmanuel Schmitt est l’auteur qui m’a initiée à la littérature il y a près de dix ans. Depuis, je ne fais l’impasse sur aucune de ses nouvelles parutions, attendant cela comme le « Messie » ! Après plusieurs œuvres courtes et au ton léger, l’écrivain s’est lancé dans une aventure démentielle : retracer l’Histoire de l’Humanité, du néolithique à nos jours. Une Traversée des temps de huit tomes dont le premier vient de paraître, Paradis perdus.
A sa naissance il y a huit mille ans, Noam ne pouvait s’imaginer sa future destinée : une immortalité qui le fera traverser toutes les époques et affronter plusieurs drames. Le premier, capital, le marquera éternellement. Son père Pannoam, chef du village, décide de prendre pour deuxième épouse la jeune Noura dont Noam est tombé follement amoureux. Avec cette trahison, le jeune garçon voit sa figure paternelle – dont il était totalement dévoué – s’effondrer. Et le village, déçu, risque de très vite réclamer un nouveau représentant…
Avec ce roman de plus de cinq cents pages, c’est une épopée magistrale que propose Eric-Emmanuel Schmitt. Et un pari osé ! Celui d’embarquer le lecteur dans cette épreuve littéraire longue et historique, loin de ses habitudes et ses plus gros succès. Le challenge est relevé ! L’auteur dessine une palette de protagonistes attachants et un récit des plus captivant. Noam est un héros comme on aime les vénérer en littérature : intelligent, doué, sensible et terriblement humain. Ses failles le rendent séduisant et ses victoires nous réjouissent. Derrière les traits de Noam, c’est évidemment la légende de Noé qui se devine. Eric-Emmanuel Schmitt utilise le Déluge comme trame principale à son récit. On apprend, on s’enrichit à la lecture du livre, sur cette partie néolithique et biblique de notre Histoire. Les dangers d’alors reflètent aussi une belle comparaison du monde contemporain.
Outre le pan historique repris dans Paradis perdus, le texte romanesque est d’une inventivité surprenante. La créativité spécifique bien souvent aux nouvelles d’Eric-Emmanuel Schmitt se distingue ici aussi. L’auteur fait foi d’une imagination dévorante et stupéfie jusqu’à la dernière page. Les épreuves de Noam et ses proches nous tiennent en haleine.
Les mots de l’auteur, sa langue viennent sublimer l’ensemble pour offrir un chef d’œuvre littéraire, d’une qualité et puissance rares. Gare à ceux qui oseraient prétendre qu’Eric-Emmanuel Schmitt devient « commercial ». Il nous démontre par son verbe travaillé le contraire ! Le dramaturge initie sans aucune hésitation le plus bel acte de sa vie. La Traversée des temps est l’aboutissement de plus de trente ans de réflexion et de documentation. Paradis perdus en est une sublime introduction et mise en bouche. Maintenant, vite, la suite M. Schmitt ! La suite !