Ör, Auður Ava Ólafsdóttir : Mon avis
Quatrième de couverture :
« Je n’ai pas touché la chair nue d’une femme — pas délibérément en tout cas —, je n’en ai pas tenu une seule entre mes bras depuis huit ans et cinq mois, c’est-à-dire depuis que Guðrún et moi avons cessé de coucher ensemble, et il n’y a aucune femme dans ma vie, en dehors de ma mère, mon ex-femme et ma fille — les trois Guðrún. Ce ne sont pourtant pas les corps qui manquent dans ce monde et ils ont assurément le pouvoir de m’émouvoir de temps à autre en me rappelant que je suis un homme. »
Sans plus de réconfort à attendre des trois Guðrún de sa vie — et inspiré par sa propre mère, ancienne prof de maths à l’esprit égaré, collectionneuse des données chiffrées de toutes les guerres du monde —, Jónas Ebeneser se met en route pour un voyage sans retour à destination d’un pays ravagé, avec sa caisse à outils pour tout bagage et sa perceuse en bandoulière. Ör est le roman poétique et profond, drôle, délicat, d’un homme qui s’en va, en quête de réparation.
Cicatrices et réparation.
La valise chargée de bouquins après un tour des librairies d’Aix-en-Provence, je n’étais plus vraiment autorisée à craquer lorsque je suis tombée sur ce livre d’occasion dans une bouquinerie de la ville. Auður Ava Ólafsdóttir fait partie de mes plumes contemporaines préférées. Je n’ai pu m’en priver ! Traduit par Catherine Eyjólfsson et publié aux éditions Zulma, Ör est le cinquième romande l’écrivaine islandaise.
Séparé de sa femme et rongé par l’ennui de son quotidien, Jónas veut mettre fin à ces jours. Pour accomplir son geste, il a d’abord pensé emprunter le fusil de son voisin Svanur. Après mûre réflexion, et afin d’éviter à sa jeune fille le choc de la découverte de son corps, Jónas se dit qu’il réalisera son acte à l’étranger. Sans autre explication qu’un long voyage, Jónas part vers un pays lointain, accompagné de sa caisse à outils et de sa perceuse…
A son arrivée, c’est un pays détruit que le narrateur découvre. Jónas a loué une chambre dans un hôtel de la ville pour concrétiser son projet au milieu d’inconnus. Meurtris par une récente guerre, les habitants voient en cet homme bricoleur une aide précieuse pour la reconstruction du quartier.
« On ne sait jamais ce que pense une femme. Elles ne laissent rien paraître à la surface et puis tout à coup, leur décision est prise et elles vous annoncent qu’elles ne vous aiment plus. Comme si elles avaient secrètement changé. »
A l’image de la poésie de son titre, Auður Ava Ólafsdóttir livre un texte délicat et beau, chargé d’émotion. Comme à son habitude, l’autrice raconte de grandes choses avec simplicité, de celles qui font le cœur de notre humanité. L’histoire de ces terres saccagées, de ces hommes et de ces femmes battus, violentés, violés, qui renaissent au contact de l’autre, est on ne peut plus d’actualité.
Roman résolument féministe, Ör est porté par la voix d’un homme. La sensibilité de Jónas et sa part de féminité révèle un héros attachant. Récit de la reconstruction, le livre témoigne de la richesse des Hommes, du poids des rencontres, et des cicatrices de chacun.
Après Miss Islande et Rosa Candida, je suis heureuse d’ajouter cet ouvrage au podium des écrits d’Auður Ava Ólafsdóttir.
A lire aussi : au-delà du roman Miss Islande, que je vous recommande toujours, son titre L’exception est également à découvrir.
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Connaissez-vous la plume de cette écrivaine ?
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