Minuit dans la ville des songes, René Frégni : Mon avis
14CommentairesQuatrième de couverture :
« J’avais été jadis un voyageur insouciant. Je devins un lecteur de grand chemin, toujours aussi rêveur mais un livre à la main. Je lus, adossé à tous les talus d’Europe, à l’orée de vastes forêts. Je lus dans des gares, sur de petits ports, des aires d’autoroute, à l’abri d’une grange, d’un hangar à bateaux où je m’abritais de la pluie et du vent. Le soir je me glissais dans mon duvet et tant que ma page était un peu claire, sous la dernière lumière du jour, je lisais. J’étais redevenu un vagabond, mal rasé, hirsute, un vagabond de mots dans un voyage de songes. »
Ce roman est le récit d’une vie d’errance et de lectures, aussi dur que sensuel, aussi sombre que solaire. Le chaos d’une vie, éclairée à chaque carrefour périlleux par la découverte d’un écrivain. René Frégni, conteur-né, ne se départit jamais de son émerveillement devant la beauté du monde et des femmes. Fugueur, rebelle, passionné de paysages grandioses, qui restent pour lui indissociables des chocs littéraires. Un homme qui marche un livre et un cahier à la main.
Mon avis :
Mon métier de blogueuse m’amène parfois à me plonger dans l’inconnu. En acceptant la mission de jurée pour le Prix Malesherbes, le libraire du roi, je saute dans le vide et m’engage à découvrir quatre ouvrages que je n’ai pas sélectionnés. L’exercice n’est pas aisé. Après la lecture, il faut se justifier, défendre son coup de cœur. Si les délibérations furent longues pour ce prix littéraire, le lauréat, lui, fut vite décidé : Minuit dans la ville des songes de René Frégni a emporté tous les suffrages, par sa poésie et son histoire…
Peut-on rater son brevet des collèges et faire quelque chose de sa vie ? La réussite scolaire est-elle la seule impasse au bonheur ? De cancre à écrivain, il n’y a qu’un pas s’il on suit le parcours du narrateur. Lui qui a choisi la fuite après un échec scolaire, va se révéler à lui-même grâce à la littérature.
Après s’être battu avec le directeur du collège, René n’a d’autres choix que de quitter Marseille. Il part vivre à Londres pour échapper à la honte du père et à la déception de la mère. Quelques mois dans la capitale anglaise et son voyage le mène ensuite à Almeira, en Andalousie. Mais René est jeune, il est rappelé pour s’engager dans l’armée…
« Maintenant je vis dans une maison au bord de la forêt. Vers cinq heures du soir, l’hiver, Je fais du feu dans un poêle en fonte noir et je relis de vieux livres. Je lis trois pages, je regarde la danse des flammes, je m’endors un peu, je rattrape mon livre, tourne deux pages, ajoute une bûche… Je serai bientôt vieux. Je dors souvent. »
Dans ce camp militaire, des retrouvailles surprenantes et inattendues attendent notre héros. Son vieil ami Ange-Marie est là lui aussi. L’homme a trouvé un magnifique échappatoire à cet enfermement et il le confie à René : Ange-Marie lit. Camus, Giono, Hemingway, le plaisir des mots est infini et leur invitation au voyage est immense. Pour le narrateur, il s’agit d’un coup de foudre. Il ne désire plus qu’une chose : rythmer ses journées autour de sa nouvelle passion.
Quelle ode à la littérature, aux grands auteurs et au pouvoir de la lecture ! Lire René Frégni, c’est avoir envie de (re)lire La Peste, Le vieil homme et la mer ou encore Les Misérables. Dans un texte émouvant et inspirant, l’auteur rappelle l’importance des livres et le poids des mots. Bien que romancé, on devine le caractère autobiographique du récit. Le texte y puise toute sa force.
Minuit dans la ville des songes est aussi un vibrant hommage d’un écrivain à sa mère. Dans ses pérégrinations, le jeune René rêve de grands espaces et de liberté. Il défie la loi et se joue de l’ordre moral. Mais malgré l’absence, le temps et la distance, ses pensées reviennent toujours à sa maman.
Un joli roman, primé, à lire et à offrir aux amoureux des livres.
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Connaissiez-vous cet écrivain ?
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