Les métèques – Denis Lachaud
Note : 8.5/10
Quatrième de couverture :
Par deux fois la famille Herbet est convoquée à la préfecture de Marseille. Dès le premier courrier Célestin, le fils aîné, a pressenti un danger. Mais il ignore alors que sa mère, tout comme son père, a jadis changé de patronyme. Dans une région où l’altérité est dangereuse, dans un pays où cinquante ans plus tôt on encourageait les immigrés à s’assimiler, voici qu’un fonctionnaire leur demande de reprendre leur nom d’origine. Quelques nuits plus tard la famille Herbet est cruellement assassinée à son domicile. Seul Célestin, qui entretient avec le réel une relation particulière, parvient à s’échapper par les toits. Commence alors un long voyage, une succession de jours durant lesquels il s’agit pour le tout jeune homme de passer inaperçu, une fuite ponctuée de rencontres précieuses dans une contrée quadrillée de contrôles policiers. Denis Lachaud transpose de livre en livre les déviances récurrentes de l’humanité. En choisissant des personnages très jeunes, qui interprètent le réel avec une acuité instinctive, l’écrivain compose depuis vingt ans une oeuvre forte et singulière ancrée dans l’Histoire et l’actualité, toujours colorisées par l’imaginaire et la différence.
Mon avis :
A l’occasion de la fête du livre de Saint-Etienne du 17 au 20 octobre prochain, j’ai lu le roman de Denis Lachaud, Les métèques. L’auteur participera à un débat le samedi 19, accompagné d’Isabelle Miller, de Nicolas Chaudun et de Valérie Trierweiler.
Tout le programme du salon est à retrouver ici.
Alors qu’il a déjà publié de nombreux romans, je découvre pour la première fois la plume de Denis Lachaud avec Les métèques, édité chez Actes Sud.
La famille Herbet est convoquée par la Préfecture pour un interrogatoire douteux sur leurs origines. Les enfants apprennent à cette occasion que leurs grands-parents avaient demandé à l’époque la francisation de leur nom de famille, pour dissimuler leurs racines juives et musulmanes. Quelques jours plus tard, une deuxième lettre de la Préfecture les invite à se déplacer à nouveau. Célestin, vingt ans et aîné des trois enfants, pressent le danger poindre son nez…
« Mon père ne tarde pas à réapparaître, métamorphosé par la crainte. L’enveloppe qu’il vient d’ouvrir libère un flot de potentialités inquiétantes. Les voilà qui se déversent sur nos vies et nous fragilisent avant même que nous en prenions connaissance, les voilà qui détruisent nos certitudes quant au futur. Je le voyais venir, ce jour. On ne peut pas continuer à vivre dans une telle insouciance, une telle aisance, me disais-je, pendant que tout se délite autour de nous. »
Denis Lachaud fait preuve d’une imagination inquiétante dans ce récit. Alors que les grands-parents de Célestin ont connu la Shoah et ont échappé à la rafle, l’écrivain nous projette dans une France où le communautarisme est de retour et où les métèques doivent fuir pour survivre. Un texte qui fait froid dans le dos.
A travers une narration en deux temps, le livre monte en puissance à chaque chapitre. Le romancier fait le parallèle entre l’histoire de Célestin, et celle de ses grands-parents juifs dans les années 40. La ressemblance est frappante. L’angoisse s’installe petit à petit, jusqu’à devenir omniprésente. L’écriture de Denis Lachaud est poignante. Elle nous balance une vérité difficilement évitable.
Le problème actuel de l’immigration dans le Monde vient se glisser entre les lignes finales du roman. L’auteur n’a pas peur de choquer. Les mots font mal, mais ils sont nécessaires pour l’avancée des mentalités. Comment ne pas refermer ce livre sans prier pour que cela reste encore longtemps une fiction ? Et réécouter la magnifique chanson de George Moustaki…