Les dévorantes – Marinca Villanova
Quatrième de couverture :
1942, Emma est enceinte, loin des siens. Elle imagine un petit garçon loyal et digne comme son père. Mais c’est une fille qui arrive, une enfant difficile qu’elle a du mal à aimer. 1981, Angèle ne se sent pas l’âme d’une mère, elle ne sait comment faire avec cette fillette maigre et terne qui encombre son quotidien, ce petit animal effrayé dont il faut bien s’occuper. 2004, Karine vient d’accoucher. Elle se dit qu’elle devrait ressentir un amour océanique pour son bébé. Mais rien ne vient.
Emma, Angèle, Karine. Trois filles, trois mères, trois générations. De l’une à l’autre, les composantes de la maternité se transmettent dans une haine calfeutrée, mais agissante. L’absence d’amour prend toute la place, se tisse dans le quotidien de l’enfance et s’installe, implacablement, résonnant jusque dans les relations amoureuses ou amicales. Les mères refusent leurs filles, et ce rejet inaugural, loin de les séparer, les lie solidement en une longue chaîne qui traverse le temps. Comment cesser d’être dévorée ? Comment cesser d’être une dévorante ?
« Demain matin le gaz et l’électricité seront coupés, la maison restera vide. Les antiquaires sont passés, puis les brocanteurs, Emmaüs emportera le reste le lendemain. Angèle n’a voulu ni meuble ni objet en souvenir d’Emma, mais elle a supervisé à sa manière l’évacuation des meubles. Elle est restée totalement inactive, ne donnant pas un coup de main, mais contrôlant l’ensemble des opérations pour être sûre qu’on ne la vole pas. »
Mon avis :
J’ai reçu Les dévorantes de Marinca Villanova par les éditions Eyrolles et je les en remercie. L’auteure, d’abord psychologue et réalisatrice de courts métrages sur le thème des liens familiaux, signe ici son premier roman.
Dans ce récit, Marinca Villanova dépeint trois générations de femmes à travers les personnages d’Emma, d’Angèle et de Karine. Grand-mère, mère et fille, à trois époques différentes et qui, malgré les liens du sang, ont des difficultés à s’aimer.
En pleine seconde guerre mondiale et loin de ses proches, Emma doit élever seule sa fille Angèle, dont elle n’arrive pas à s’attacher. Quelques années plus tard, Angèle, devenue mère, reproduit le schéma familial reçu en élevant Karine dans le désamour.
C’est une haine maternelle qu’a osé écrire la psychologue. Comment une mère peut-elle détester son enfant ? Ce sujet tabou est abordé avec brio par l’écrivaine. Les chapitres dédiés à l’histoire d’Emma sont particulièrement bouleversants et touchants. Malgré l’horreur de la situation, on comprend la jeune femme et on s’attache à elle rapidement.
Le personnage d’Angèle, mère célibataire dans les années 80 est totalement détestable et énervant. Marinca Villanova nous décrit une femme égoïste et méchante, et jalouse de sa fille Karine. La relation mère/fille devient de plus en plus malsaine avec le temps. Les scènes évoquées à l’adolescence de Karine sont d’une grande dureté, l’auteure n’a pas peur de choquer ses lecteurs.
La dernière partie du roman est consacrée à Karine qui enfante à son tour. Comment réussir son parcours de maman, lorsqu’on n’a reçu aucune éducation décente de la part de sa propre mère ? Comment se défaire de ce cercle vicieux ?
Marinca Villanova nous offre un premier roman plus que réussi, où les thèmes de la filiation et des rapports mère/fille sont très bien racontés. On passe par tous les sentiments durant plus de deux cents pages : la compassion, l’antipathie, la détestation ou encore la pitié. Ce livre nous chahute indéniablement. Je le recommande !