Les déracinés – Catherine Bardon
Quatrième de couverture :
Autriche, 1931. Lors d’une soirée où se réunissent artistes et intellectuels viennois, Wilhelm, jeune journaliste de 25 ans, a le coup de foudre pour Almah. Mais très vite la montée de l’antisémitisme vient assombrir leur histoire d’amour. Malgré un quotidien de plus en plus menaçant, le jeune couple attend 1939 pour se résoudre à l’exil. Un nouvel espoir avant la désillusion : ils seront arrêtés en Suisse. Consignés dans un camp de réfugiés, ils n’ont qu’un seul choix : faire partie des 100 000 Juifs attendus en République dominicaine après l’accord passé par le dictateur local Trujillo avec les autorités américaines. Loin des richesses de l’Autriche, la jungle sauvage et brûlante devient le décor de leur nouvelle vie. L’opportunité de se réinventer ?
« Ce fut une évidence. Au moment même où je vis sa nuque gracile finement duvetée de blond, une décharge électrique traversa tout mon corps. D’un doigt fin, elle repoussa derrière son oreille une longue mèche rebelle qui bouclait. Le temps sembla s’arrêter et je sus instantanément, dans toutes les fibres de mon être, que j’étais perdu. »
Mon avis :
A réception de cette superbe réédition de l’ouvrage de Catherine Bardon, vous avez été nombreux à me dire sur les réseaux sociaux que Les déracinés était votre coup de cœur de l’année. Après une panne de lecture, j’hésitais beaucoup à me lancer car le livre fait près de huit cents pages. Vos arguments ont eu raison de moi et comme je me réjouis aujourd’hui de vous avoir écoutés !
Vienne, 1921. Myriam et Wilhelm sont à l’aube de leur vie d’adulte et s’apprêtent à quitter le cocon familial. Ils rêvent tous deux à de belles carrières professionnelles. Myriam espère devenir danseuse. Quant à son frère, c’est le journalisme qui le fait vibrer. Mais, alors qu’ils sont baignés depuis toujours dans cette Autriche culturelle grâce à l’éducation de leurs parents, la montée au pouvoir d’Hitler fait craindre le pire pour cette famille d’origine juive. Le nazisme enfle, une décision s’impose rapidement pour Myriam, qui vit depuis quelques semaines une belle histoire d’amour avec Aaron. Wilhelm et sa fiancée Almah décideront-ils de les suivre ?
Je ne pensais jamais embarquer dans une telle épopée en démarrant cette lecture ! Le roman de Catherine Bardon apporte tant de points importants de notre histoire, qu’il me semble compliquer de le résumer en quelques lignes. Si Les déracinés démarre en Europe avec le coup de foudre de Wilhelm pour Almah, la rencontre de ces deux familles juives et bourgeoises, passionnées d’art, l’auteure nous envole ensuite pour la République Dominicaine où de nombreux juifs ont fui la guerre suite à un plan d’aide lancé par les Etats-Unis.
Le récit, narré à la fois par notre héros Wilhelm et par la romancière, s’achève en 1961. Quarante années durant lesquelles on assiste à une guerre mondiale, au nazisme, à l’essor américain, à la révolution cubaine ou encore à la naissance de l’Etat d’Israël. Les personnages créés par Catherine Bardon font partie de la fiction, mais ont été inspirés de ses propres rencontres en République Dominicaine. L’accueil de tous ces émigrés juifs par le dictateur Trujillo est un pan méconnu de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. L’écrivaine nous le raconte de façon passionnante.
Derrière ces faits historiques, se cachent des protagonistes attachants, que l’on adore suivre sur plus de sept cents pages et qu’on a hâte de retrouver dans le second volet de la trilogie (L’américaine, éd. Les escales, 2019). Les déracinés, c’est aussi de l’amour, une culture latine, la sexualité des femmes dans les années 40/50 , le deuil, la vie en communauté, la littérature, l’adultère, le travail, l’écologie… La vie en quelque sorte !
Un coup de cœur personnel qui, au-delà de l’émotion ressentie par son sujet grave, m’a enrichie et m’a fait voyager. Un roman qui réunit tous les ingrédients recherchés dans un bon livre. A lire, et à offrir.