Les Contemplées, Pauline Hillier : Mon avis
Quatrième de couverture :
À l’issue d’une manifestation, une jeune française est arrêtée et conduite à La Manouba, la prison pour femmes de Tunis. Entre ces murs, elle découvre un nouvel ordre du monde et des règles qui lui sont dictées dans une langue qu’elle ne comprend pas. Au sein du Pavillon D, cellule qu’elle partage avec vingt-huit codétenues, elle n’a pu garder avec elle qu’un livre, Les Contemplations de Victor Hugo. Des poèmes pour se rattacher à quelque chose, une fenêtre pour s’enfuir. Mais bientôt, dans les marges de ce livre, la jeune femme commence à écrire une autre histoire. Celle des tueuses, des voleuses, des victimes d’erreurs judiciaires qui lui racontent au fil des jours leur vérité. Celle de ces femmes qui partagent son quotidien, lui offrent leurs regards, leurs sourires et lui apprennent à rester digne quoi qu’il arrive.
Témoigner.
« De ces douleurs sourdes naîtra un beau jour la révolte flamboyante qui renversera le monde« m’écrit Pauline Hillier en guise de dédicace sous le titre de son livre. Une citation empruntée à son propre texte, qui résume bien l’image que je me fais de l’écrivaine. Ce premier roman est paru chez La Manufacture de livres en début d’année.
Arrêtée par la police dans les rues de Tunis et transférée à la prison pour femmes, la narratrice découvreLa Manoubaet ses détenues par centaines. Un capharnaüm, grouillant de saleté, dans la promiscuité des corps et le manque d’intimité. La jeune Française doit faire face à la violence du personnel carcéral, la barrière de la langue, l’absence de repas ou encore les cafards. Avec, pour seul compagnon de route, un exemplaire Des Contemplationsde Victor Hugo, la jeune femme tue l’ennui en espérant pouvoir bientôt sortir.
« Si elle a mis un mouchoir sur sa morale pour me donner son amitié en dépit du délit dont je suis accusée, je ferai de même. J’accueillerai l’histoire telle qu’elle, je rirai quand elle rira, me mettrai en colère si elle le veut, mouillerai mes yeux dans les siens quand le temps sera triste. Je maintiendrai ce statu quo de non jugement, quoi qu’elle me dise, quoi qu’elle est faite. »
Après un léger temps d’adaptation, l’héroïne comprend qu’elle doit user de ses charmes et de ses talents pour obtenir un bout de pain, 10 minutes dans les douches ou une bouffée d’oxygène à l’extérieur. La pitié et la compassion n’ont pas leur place au sein de La Manouba. Le respect se mérite et s’achète. La jeune détenue l’a bien compris, elle entre dans le jeu.
Le ton juste, des phrases incisives, un récit imagé, Pauline Hillier plonge le lecteur dans la puanteur de cette prison de Tunis, au milieu de ses murs imposants, sur le petit lit superposé qu’elle a elle-même connu. L’autrice raconte l’angoisse, la peur, l’absence de communication et d’information quant à son arrestation. Elle décrit, durement, le manque d’hygiène, le manque de place, le manque de lumière. Mais aussi, plus tard, le troc entre détenues, les premiers dialogues, la sororité.
Entre les lignes, l’histoire des co-détenues apparaît. Pauline Hillier écrit, pour ne pas oublier. Elle rend hommage à ces femmes du Pavillon D, pour qui on ne peut s’empêcher d’avoir une vive pensée en refermant Les Contemplées.
Un livre coup de poing, difficile à lâcher, violent mais nécessaire.
A lire aussi : née en Tunisie, Gisèle Halimi raconte son parcours, son féminisme et ses combats d’avocate dans le dialogue entretenu avec la journaliste Annick Cojean, Une farouche liberté. Je vous en parlais par ici.
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