L’enfant de sable, Tahar Ben Jelloun : Mon avis
Quatrième de couverture :
Sur une place de Marrakech, un conteur relate l’histoire d’Ahmed, un homme au destin aussi troublant que fabuleux. Élevé dans le mensonge pour sauver l’honneur de son père, Ahmed n’a de masculin que le nom. Un sexe et une condition imposés qu’il finit par revendiquer : à vingt ans, il pousse le zèle jusqu’à s’unir à une fille délaissée, bientôt complice de sa vertigineuse descente aux enfers…
Un récit dans le récit.
Décidée à lire plusieurs lauréats du prix Goncourt pour vous en faire une vidéo, il a fallu me pencher sur L’enfant de sable avant de pouvoir attaquer La nuit sacrée (sa suite), roman primé en 1987. Le mois dernier, je vous parlais de mon émotion concernant La couleur des mots (éd. L’Iconoclaste, 2022) du même auteur. A ce jour, Tahar Ben Jelloun a publié plus de soixante ouvrages.
Hadj Ahmed et son épouse s’apprêtent à accueillir leur huitième enfant. Après sept filles, le père l’a décidé : ce sera un garçon ! Quel que soit le verdict à la naissance, le bébé s’appellera Mohamed Ahmed. Il en va de l’honneur de sa famille. Et comme nul ne peut choisir le sexe de sa progéniture, la mère accouche d’une petite fille, dans le secret de tous. Quelques jours plus tard, lors de la cérémonie de baptême, Mohamed Ahmed est célébré et le peuple salue ce fils…
Porté par différents narrateurs, l’histoire d’Ahmed démarre place Jemaa el Fna à Marrakech. Un homme raconte à l’assemblée présente la destinée de cette petite fille élevée comme un garçon. Chaque jour, désireux de connaître la fin du conte, les passants reviennent sur la célèbre place.
« Il y avait d’abord ce visage allongé par quelques rides verticales, telles des cicatrices creusées par de lointaines insomnies, un visage mal rasé, travaillé par le temps. La vie – quelle vie ? une étrange apparence faite d’oubli – avait dû le malmener, le contrarier ou même l’offusquer. On pouvait y lire ou deviner une profonde blessure qu’un geste maladroit de la main ou un regard appuyé, un œil scrutateur ou malintentionné suffisaient à rouvrir. »
D’une écriture ciselée, Tahar Ben Jelloun déploie le récit saisissant de ce jeune homme. Élevé dans le mensonge et éloigné de ses sœurs, Ahmed assume d’abord pleinement son rôle de mâle, jusqu’à vouloir se marier avec une femme du village. Plus tard, le corps se rappelle à lui. Ahmed apprivoise sa féminité, sans oser renaître totalement.
A travers ce roman, l’auteur interroge sur la place des femmes et son droit de parole au Maroc et dans le Monde. Il questionne aussi sur l’identité et la quête de soi. Quel poids pèse encore le patriarcat de nos jours ? Qu’est-ce qui nous définit vraiment ? L’éducation, la religion, la sexualité, le regard des autres ? Peut-on lutter contre l’essence du corps ? L’écrivain traite un sujet intergénérationnel et toujours d’actualité.
Convaincue par la force vive au début du texte, j’ai déchanté sur la deuxième partie du livre, perdue par les multiples conteurs. Le fil conducteur se disloque et l’attrait de la fable avec. Mais si j’ai abandonné la lecture de L’enfant de sable dans les trente dernières pages, je lirai avec curiosité La nuit sacrée.