Le roitelet, Jean-François Beauchemin : Mon avis
Quatrième de couverture :
Un homme vit paisiblement à la campagne avec sa femme Livia, son chien Pablo et le chat Lennon. Pour cet écrivain parvenu à l’aube de la vieillesse, l’essentiel n’est plus tant dans ses actions que dans sa façon d’habiter le Monde, et plus précisément dans la nécessité de l’amour. À intervalles réguliers, il reçoit la visite de son frère malheureux, éprouvé par la schizophrénie. Ici se révèlent, avec une indicible pudeur, les moments forts d’une relation fraternelle marquée par la peine, la solitude et l’inquiétude, mais sans cesse raffermie par la tendresse, la sollicitude.
À ce moment je me suis dit pour la première fois qu’il ressemblait, avec ses cheveux courts aux vifs reflets mordorés, à ce petit oiseau délicat, le roitelet, dont le dessus de la tête est éclaboussé d’une tache jaune. Oui, c’est ça : mon frère devenait peu à peu un roitelet, un oiseau fragile dont l’or et la lumière de l’esprit s’échappaient par le haut de la tête. Je me souvenais aussi que le mot roitelet désignait un roi au pouvoir très faible, voire nul, régnant sur un pays sans prestige, un pays de songes et de chimères, pourrait-on dire.
Humanité et différence.
Attachée à l’objet livre, la couverture et le format du Roitelet de Jean-François Beauchemin étaient loin d’attiser ma curiosité. Une fois n’est pas coutume, les arguments d’une copine du bookclub m’ont convaincue. En lui faisant confiance, je m’offrais l’une de mes plus belles lectures depuis longtemps… Le Roitelet est paru en janvier 2023 aux éditions Québec Amérique.
Le changement a eu lieu à l’âge de treize ans. Après la mise à bas imprévue d’une vache de la ferme familiale, l’existence du frère du narrateur a basculé. Glissant dans la schizophrénie, cet homme s’est isolé du monde et refuse tout traitement. Seules les plantes de la pépinière dans laquelle il travaille semblent l’apaiser.
Entre ses séances d’écriture, le quotidien avec son épouse Livia, les balades avec son chien, l’auteur veille sur ce frère différent et imprévisible. Le temps défile et les rêves laissent aujourd’hui apparaître le souvenir de ses parents disparus. Athée, l’écrivain convoque Dieu pour tenter de comprendre l’humanité.
« Si vous voulez mon avis, ça n’est pas la vie spirituelle des gens qui fout le camp. C’est la poésie. La poésie n’est pas un genre littéraire, elle est l’expérience de la vie par l’esprit, le pressentiment aveuglant que l’existence même la plus fragile, la plus diminuée ou la plus impuissante vaut la peine qu’on s’y intéresse vraiment. »
D’une poésie rare, Jean-François Beauchemin raconte sa connexion à la nature, son amour des livres et de l’ennui, et le lien unique qu’il entretient avec son frère. A travers la maladie, il décrit la différence. Les pensées de l’écrivain explorent aussi notre rapport à la vie, à la mort et à la religion. Avec pudeur, l’auteur rend hommage à sa femme et évoque la fidélité de son chien.
Si le texte est court, j’ai aimé chacun de ses mots, puissants et beaux. Ne voulant pas en perdre une miette, je me suis imprégnée de chaque paragraphe, chaque phrase et me suis promis de le relire bientôt. Conte autobiographique, Le Roitelet est un récit terriblement humaniste et vrai. Un bijou de beauté et de simplicité.
A lire aussi : la langue de Jean-François Beauchemin dans Le Roitelet me rappelle celle de Frédéric Perrot dans Ce qu’il reste d’horizon. Ma chronique est à (re)découvrir ici.
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Connaissiez-vous ce livre ?
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