Le jeune homme, Annie Ernaux : Mon avis
Quatrième de couverture :
En quelques pages, à la première personne, Annie Ernaux raconte une relation vécue avec un homme de trente ans de moins qu’elle. Une expérience qui la fit redevenir, l’espace de plusieurs mois, la « fille scandaleuse » de sa jeunesse. Un voyage dans le temps qui lui permit de franchir une étape décisive dans son écriture. Ce texte est une clé pour lire l’œuvre d’Annie Ernaux – son rapport au temps et à l’écriture.
Aux prémices de L’évènement.
Déjà, au début de l’année, je pointais la date de parution du Jeune homme dans mon calendrier, de peur d’oublier. J’espérais le retour en librairie d’Annie Ernaux depuis des mois. Le 5 mai dernier, j’entrai fièrement chez mon libraire de quartier, attrapant rapidement un exemplaire du fameux sésame. Sur le retour, je constatais avec désolation la mince épaisseur du récit tant attendu. Je devinais le plaisir trop court de lecture, et l’espoir, très vite, d’un nouvel ouvrage…
Le moment était enfin arrivé. Lors du premier confinement, Annie Ernaux reprend les notes du livre écrit vingt ans plus tôt, sur une aventure vécue elle-même plus de cinq ans avant. Ce texte, mûri, retravaillé, a eu besoin de paraître, pour éliminer le jeune homme et ce qu’il représentait. L’autrice raconte les quelques mois passés à ses côtés, et revient à la source de cette brève histoire.
Qu’annonce, pour une femme de cinquante ans, une nuit partagée dans les bras d’un étudiant ? Quelles raisons ont poussé l’écrivaine, à l’époque, à revoir ce garçon ? Tout les sépare : trente ans de vie, quelques classes sociales, un phrasé, leurs désirs et ambitions. Et pourtant. Annie Ernaux se souvient, grâce à ce jeune homme, de la jeune femme qu’elle était. A travers lui, son éducation ressurgit. D’abord une langue et un accent qu’elle connaît bien. Un milieu populaire, oublié depuis. Et la ville de Rouen où elle a fait ses études.
« Il y a cinq ans, j’ai passé une nuit malhabile avec un étudiant qui m’écrivait depuis un an et avait voulu me rencontrer. »
Avec les mots justes et précis, comme elle en a l’habitude, Annie Ernaux témoigne. Elle livre une expérience, la sienne, sans fioriture ni surplus. Trente-sept pages, aérées, à la marge agrandie, mais d’une lourde intensité. Chaque mot est pesé, sous-pesé, avant d’être noirci sur le carnet.
J’ai aimé la fulgurance du ton, la désinvolture de l’écrivaine et son courage à oser dire les faits. J’ai aimé la « fille scandaleuse » qu’elle tentait de retrouver et l’étudiant dont elle voulait se libérer. J’ai aimé ce quart d’heure passé en sa présence, mais regretté cette même fugacité. Dans les dernières lignes de ses confessions, Annie Ernaux dit être prête à se lancer dans l’écriture de L’évènement (éd. Gallimard, 2000). Le jeune homme en soit, constitue à mon sens, le premier chapitre de ce livre. Il aurait pu, je crois, être édité de cette façon.