Le jardin de verre – Tatiana Tîbuleac
Quatrième de couverture :
Chisinau, en Moldavie. La petite Lastotchka est adoptée dans un orphelinat par Tamara Pavlovna, ramasseuse de bouteilles. Lastotchka va à l’école, apprend le russe alors qu’elle préfère sa langue, le moldave, et elle se fait punir par sa mère adoptive lorsqu’elle écorche les mots russes. Elle apprend à laver des bouteilles mais aussi à voler ou à repousser les sollicitations des hommes trop insistants… Les habitants de son immeuble deviennent sa nouvelle famille et lui donnent un peu de leur humanité. Mais les blessures ne s’effacent pas et les questions hantent. Le Jardin de verre est un roman intime sur les traumatismes de l’enfance, la quête de soi et de l’identité, dans un environnement multiculturel et bilingue. Vu à travers les yeux d’une enfant, il est relaté avec la sensibilité, la fragilité, la dureté et la cruauté de son âge. Un peu comme le jouet tant désiré par Lastotchka – un kaléidoscope – ramassé sous les roues d’une voiture, qui semblait entier et pourtant brisé à l’intérieur. Mais Le Jardin de verre est aussi une lettre imaginée par Lastotchka, adulte, à ses parents. La douleur de l’abandon, le manque d’amour et de douceur maternelle sont des plaies qui ne se referment pas.
« Je nais la nuit, j’ai sept ans. Elle me prendrais dans les bras, me dit-elle, mais elle a les mains occupées. Une lampe bleue, attachée à un arbre avec un câble, éclaire de haut. Elle se balance. Je rejette la tête en arrière et je la vois mieux : elle est rond, comme un pain entier. »
Mon avis :
Curieuse de toujours découvrir de nouvelles plumes, j’ai lu Le jardin de verre de Tatiana Tibuleac, traduit par Philippe Loubière, et paru aux éditions des Syrtes. L’auteure est lauréate du prix de l’Union européenne de littérature 2019 avec ce roman. Une première approche dans la littérature moldave, pour ma part inconnue jusqu’à présent.
Lastotchka vit une deuxième naissance, à l’âge de 7 ans, lorsqu’elle est adoptée par Tamara Pavlovna et qu’elle quitte son orphelinat. Sa sauveuse, sa libératrice, ne sera pourtant pas tendre avec elle, les coups et punitions n’étant pas exemptés de son quotidien. Lastotchka grandit avec cette mère exigeante, dure, froide et silencieuse. La jeune fille ne peut s’empêcher de s’interroger sur le destin de ses parents biologiques. Elle mettra des années à obtenir des réponses…
Est-ce cette fragilité aperçue dans la beauté de la couverture qui m’a d’emblée séduite ? Est-ce la sensibilité que l’illustration dégage qui m’a convaincue à lire Le jardin de verre ? Probablement. Les failles et les blessures de Lastotchka, si romancées soient-elles, se devinent derrière ces traits. La poésie de Tatiana Tibuleac se pressent elle aussi à la vue du dessin de Iulia Schiopu*. J’ai plongé dans l’histoire sombre et crue de cette petite fille et j’y ai trouvé de la lumière.
Lastotchka se voit médecin, et c’est ce rêve qui va la porter durant des années. Tamara Pavlovna, sa mère adoptive, lui mène la vie dure. La jeune fille est forcée d’apprendre le russe, elle est violemment punie à chaque erreur commise. En plus du travail acharné qu’elle doit fournir lorsqu’elle n’est pas à l’école, elle connaîtra le viol, l’abandon, les coups. Derrière ces violences, une autre souffrance apparaît : la quête d’identité et de repères. Pourquoi ses parents l’ont-ils abandonnée ? Sont-ils morts ? Ont-ils eu le choix ?
La musique qui s’entend dans les mots de Tatiana Tibuleac donne sens à ce joli roman. Malgré un décor froid et noir, le texte est lumineux. Si le parcours malheureux de Lastotchka semble tout tracé, l’humanité parsemée par bribes dans le récit apporte de l’espoir au lecteur que nous sommes. Le jardin de verre est aussi force, croyance et beauté.
A cela s’ajoute le brillant travail de traduction de Philippe Loubière, qui participe à la réussite de l’écriture du livre. Le jardin de verre est une belle surprise, douce et sensible à l’image de sa couverture. Je recommande !
Et vous, quel titre de la littérature moldave me conseillez-vous ?