Le guerrier de porcelaine, Mathias Malzieu : Mon avis
Quatrième de couverture :
En juin 1944, le père de Mathias, le petit Mainou, neuf ans, vient de perdre sa mère, morte en couches. On décide de l’envoyer, caché dans une charrette à foin, par-delà la ligne de démarcation, chez sa grand-mère qui a une ferme en Lorraine. Ce sont ces derniers mois de guerre, vus à hauteur d’enfant, que fait revivre Mathias Malzieu, mêlant sa voix à celle de son père. Mainou va rencontrer cette famille qu’il ne connaît pas encore, découvrir avec l’oncle Émile le pouvoir de l’imagination, trouver la force de faire son deuil et de survivre dans une France occupée.
Il aura fallu plus de six ans à Mathias Malzieu pour écrire ce Guerrier de porcelaine, son roman le plus intime, où, alliant humour et poésie, il retrace l’enfance de son père et s’interroge sur les liens puissants de la filiation.
Quand tendresse et poésie se mêlent à la violence de l’Histoire.
La musique de Mathias Malzieu, je la connais. Ses livres font partie de ma vie de lectrice depuis plus de dix ans. Découvrir son dernier roman dans la sélection du prix Maison de la Presse m’a réjoui. En tant que jurée, j’avais l’assurance d’un futur doux moment de lecture. Le guerrier de porcelaine est paru en janvier 2022 aux éditions Albin Michel.
Alors que sa maman décède en accouchant de sa petite sœur Mireille, Mainou est envoyé en pension chez sa grand-mère. En ce mois de juin 1944, le trajet jusqu’en Lorraine est compliqué. Et le climat sur place tendu. Mais l’oncle Émile et la tante Louise accueillent le petit garçon avec bienveillance. Une boîte secrète laissée par son père, des bruits bizarres dans le grenier de la ferme, une cigogne nommée Marlène Dietrich… L’imagination de Mainou est stimulée quotidiennement au sein de sa nouvelle famille.
« Tu es morte cette nuit. Le jour s’est levé quand même. Mireille ne l’a pas vu, et je ne verrai jamais Mireille. Papa n’a pas pris le temps de pleurer. Il faut remplir deux valises et deux cercueils. Le linge que tu as plié, avec l’odeur de ta lessive. Le parfum d’un fantôme. Le souvenir de tes pas dans un escalier. Il craque, cet escalier. »
Ces quelques mois de récit en pleine Seconde Guerre mondiale, ce sont ceux vécus à l’époque par le père de Mathias Malzieu. Roman intimiste et tendre, Le guerrier de porcelaine conte avec justesse la séparation familiale, le deuil d’un enfant et sa maturité face aux épreuves. Bien que très jeune, le petit Mainou comprend le silence, les non-dits des adultes. Son besoin permanent de rêver cache un profond désir de vivre, malgré la dureté de la situation.
Fidèle à lui-même, l’auteur déploie sa propre poésie, usant à souhait de jolies métaphores. J’ai aimé retrouvé ce ton à la fois drôle, candide et musical. Des jeux de mots appelant au sourire, pour oublier le triste sort de Mainou.
Plus personnel et moins fantastique que ses titres précédents, Le guerrier de porcelaine est un touchant hommage à son père, après celui écrit pour sa maman en 2006 (Maintenant qu’il fait toujours nuit sur toi, éd. Flammarion).