L’art de perdre, Alice Zeniter : Mon avis
Quatrième de couverture :
L’Algérie dont est originaire sa famille n’a longtemps été pour Naïma qu’une toile de fond sans grand intérêt. Pourtant, dans une société française traversée par les questions identitaires, tout semble vouloir la renvoyer à ses origines. Mais quel lien pourrait-elle avoir avec une histoire familiale qui jamais ne lui a été racontée ? Son grand-père Ali, un montagnard kabyle, est mort avant qu’elle ait pu lui demander pourquoi l’Histoire avait fait de lui un « harki ». Yema, sa grand-mère, pourrait peut-être répondre mais pas dans une langue que Naïma comprenne. Quant à Hamid, son père, arrivé en France à l’été 1962 dans les camps de transit hâtivement mis en place, il ne parle plus de l’Algérie de son enfance. Comment faire ressurgir un pays du silence ?
Le roman des déconvenues.
Paru en septembre 2017, L’art de perdre (éditions Flammarion) est depuis encensé par toute la chaîne du livre. Régulièrement présenté lors de rencontres littéraires, j’ai fini par me procurer un exemplaire chez un bouquiniste, persuadée pourtant que ce roman n’était pas fait pour moi. Et alors qu’il prenait la poussière sur l’étagère de ma pile à lire, je n’ai osé décliner la lecture commune que me proposait une copine.
L’Algérie d’Ali est française. Il y est né, s’y est marié et y a vu naitre ses premiers enfants. La suite s’est passée en France, après que Yema et lui ont traversé la Méditerranée en 1962, fuyant un pays en guerre et la condition de « harki » d’Ali. En métropole, ils ont dû tout reconstruire et élever leurs neuf enfants.
L’école de la République a accueilli ces filles et fils d’immigrés mais les a-t-elle intégrés ? Ces familles de harki ont été recueillies mais ont-elles été acceptées ? Ces migrants ont appris notre langue mais ont-ils été écoutés ? Bien des années après, Naïma s’interroge sur le passé de ce grand-père kabyle et l’origine de ses racines. Faut-il, pour comprendre, aller fouler la terre de ses ancêtres ?
« Ils veulent une vie entière, pas une survie. Et plus que tout, ils ne veulent plus avoir à dire merci pour les miettes qui leur sont données. Voilà, c’est ça qu’ils ont eu jusqu’ici : une vie de miettes. Il n’a pas réussi à offrir mieux à sa famille. »
Véritable épopée familiale, le roman d’Alice Zeniter se déploie sur plus de cinquante ans d’histoire. D’abord au cœur des montagnes algériennes, l’écrivaine trace le parcours d’Ali depuis les années 40. D’une famille aisée, l’homme est fier, sûr de lui, courageux et volontaire. Il épouse la jeune Yema, timide et attachante, qui se laissera toujours respectée par son mari.
Saga intergénérationnelle, le texte raconte aussi la vie étudiante et parisienne d’Hamid, l’aîné du couple. Son intégration, le racisme français, sa détermination à réussir et se forger un avenir.
Si j’ai appris beaucoup sur la guerre d’Algérie à la lecture du livre, j’ai de suite regretté l’absence de notes de bas de pages pour contextualiser et éclaircir les faits. La plume d’Alice Zeniter est entraînante mais le récit des années 80, moins politique, m’a davantage captivée.
Lâchée en cours de route par ma collègue de lecture, j’ai perdu peu à peu le fil, marquée par les longueurs de la quête de Naïma, la petite-fille d’Ali. J’ai abandonné L’art de perdre sur la ligne d’arrivée, devinant le tournant final de l’affaire familiale… Je n’ai pas le sentiment d’avoir pour autant perdu mon temps. L’autrice a éveillé ma curiosité sur une période de l’Histoire que je connaissais mal. J’en ressors grandie.
A lire aussi : Avec son ouvrage Toute une moitié du monde, Alice Zeniter publiait un questionnement intéressant sur la fiction lors de la rentrée littéraire 2022. Je vous en parlais par ici.
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