La vérité sur la lumière, Auður Ava Ólafsdóttir : Mon avis
Quatrième de couverture :
Issue d’une lignée de sages-femmes, Dýja est à son tour « mère de la lumière ». Ses parents dirigent des pompes funèbres, sa sœur est météorologue : naître, mourir, et au milieu quelques tempêtes. Alors qu’un ouragan menace, Dýja aide à mettre au monde son 1922e bébé. Elle apprivoise l’appartement hérité de sa grand-tante, avec ses meubles vintage, ses ampoules qui clignotent et un carton à bananes rempli de manuscrits. Car tante Fífa a poursuivi l’œuvre de l’arrière-grand-mère, insérant les récits de ces femmes qui parcouraient la lande dans le blizzard à ses propres réflexions aussi fantasques que visionnaires sur la planète, la vie – et la lumière. Sous les combles, un touriste australien semble venu des antipodes simplement pour faire le point. Décidément, l’être humain est l’animal le plus vulnérable de la Terre, le fil ténu qui relie à la vie aussi fragile qu’une aurore boréale.
Mère de la lumière.
Démarrer un nouveau roman d’Auður Ava Ólafsdóttir est toujours gage de surprise avec moi. Après le coup de foudre engendré par Miss Islande, puis la jolie découverte de Rosa Candida, suivi de l’abandon de L’embellie, l’angoisse et l’envie se sont mêlées à ma lecture de son dernier livre, La vérité sur la lumière.
Quatrième génération de sage-femme de sa famille, Dýja perpétue la tradition et s’apprête à accueillir son 1922e bébé. Imprégnée de l’âme de sa grande-tante décédée Fífa, elle prend ses marques dans l’appartement vieillissant dont elle a hérité. A l’approche du réveillon de Noël, un ouragan d’une rare violence est attendu. Entre la visite imprévue d’un patient, les appels furtifs de sa sœur météorologue et la rencontre d’un nouveau voisin, Dýja profite de son isolement pour lire les carnets de note de sa grande-tante, passionnée par la nature et la race humaine.
Élu plus beau mot de la langue islandaise en 2013, le terme de sage-femme (ljósmóðir) signifie littéralement « mère de la lumière« . C’est ainsi, avec cette information et la poésie qui la caractérise, qu’Auður Ava Ólafsdóttir débute son récit. A l’heure où chez nous, en France, ces « accoucheuses » descendent dans la rue pour réclamer une plus grande reconnaissance, l’écrivaine leur apporte la lumière avec cette héroïne parturiente.
« Entre deux accouchements, il m’arrive de sortir sur le petit balcon qui donne sur le boulevard, quand le vent ne souffle pas trop fort pour ouvrir la porte au fond du couloir. La maternité dispose de neuf chambres. En général, j’accueille un enfant par jour. Il arrive cependant qu’il en naisse trois. Aux périodes les plus chargées, en pleine saison, les mères accouchent à la cafétéria, dans la salle commune, ou même dans l’ascenseur qui dessert l’aile de la maternité. »
Interpellée de part mon histoire familiale actuelle, la vocation de Dýja et des femmes de sa lignée m’a touchée. Alors que ses parents ont choisi de côtoyer la mort en dirigeant une entreprise de pompes funèbres, la jeune femme a préféré se placer du côté des naissances. Solitaire, elle passe son temps libre à trier les écrits de Fífa sur les animaux et l’être humain, dans le but de les voir peut-être publier un jour. Moins sensible à la retranscription de ces études, j’ai préféré le quotidien perturbé de la narratrice. L’auteure islandaise ne manque pas d’humour ni de créativité.
Une fois de plus, Auður Ava Ólafsdóttir fait preuve de beauté et de sensibilité. Elle donne, comme dans tous ses textes, une place centrale aux femmes et à leur liberté. A cela s’ajoute la finesse de son écriture, portée par la traduction réussie d’Eric Boury. Un roman lumineux, à offrir à toutes les mères.