La place, Annie Ernaux : Mon avis
Quatrième de couverture :
Il n’est jamais entré dans un musée, il ne lisait que Paris-Normandie et se servait toujours de son Opinel pour manger. Ouvrier devenu petit commerçant, il espérait que sa fille, grâce aux études, serait mieux que lui. Cette fille, Annie Ernaux, refuse l’oubli des origines. Elle retrace la vie et la mort de celui qui avait conquis sa petite « place au soleil ». Et dévoile aussi la distance, douloureuse, survenue entre elle, étudiante, et ce père aimé qui lui disait : « Les livres, la musique, c’est bon pour toi. Moi, je n’en ai pas besoin pour vivre. » Ce récit dépouillé possède une dimension universelle.
Le poids des mots.
D’Annie Ernaux, je connaissais son évènement, sa honte, ses années, sa mémoire de fille et son jeune homme. Avec La place, j’ai appris à découvrir son père. Paru en 1983 chez Gallimard, ce titre est le quatrième livre de l’écrivaine.
Les premiers mots annoncent le décès de son père, à l’âge de soixante-sept ans, la retraite approchant. Cette disparition initie la rétrospective retranscrite par Annie Ernaux. L’origine familiale, les racines agricoles des grands-parents paternels, et le chemin effectué par ses parents, notamment à Yvetot.
Des souvenirs, que le fossé creusé entre l’autrice et son père avec les années, n’a en rien altéré.
« C’était un dimanche, au début de l’après-midi. Ma mère est apparue dans le haut de l’escalier. Elle se tamponnait les yeux avec la serviette de table qu’elle avait dû emporter avec elle en montant dans la chambre après le déjeuner. Elle a dit d’une voix neutre : « c’est fini ».
Platement, comme elle l’écrit elle-même (Le jeune homme, Gallimard, 2022), Annie Ernaux évoque la maladie et l’enterrement ; la violence de son grand-père, son illettrisme ; sa grande-sœur, morte avant sa naissance, et longtemps passée sous silence.
A travers des photos retrouvées, des phrases entendues de la bouche de ses parents plus jeunes, l’autrice raconte. Si le temps a provoqué un écart entre elle et son père, si sa culture et son destin de professeur de lettres l’ont éloignée des discussions parentales, Annie Ernaux retient l’homme gai, souriant et blagueur qu’il était.
J’ai toujours aimé l’audace de l’écrivaine, de conter avec franchise la femme qu’elle est devenue. J’ai retrouvé cette force, et la brutalité des mots, dans ce court récit. Une pièce supplémentaire, à l’œuvre intégrale dessinée par l’autrice depuis le début de sa carrière.
Connaissez-vous les écrits d’Annie Ernaux ?