La petite fille aux yeux sombres – Marcel Pagnol
Note : 9/10
Quatrième de couverture :
Ils sont trois, ils sont amis, ils ont vingt ans. Nous sommes au début de ce siècle et Marseille était alors elle est encore – une des plus belles cités du monde. Le premier s’appelle Louis-Irénée Peluque : il est gardien au jardin zoologique. Le deuxième s’appelle Félix-Antoine Grasset: il est poète et philosophe, c’est-à-dire qu’il tire longuement sur sa pipe et ne fait rien. Le troisième, qui a trouvé un travail approximatif chez un éditeur, s’appelle Jacques Panier. Cette histoire est son histoire, celle des premières amours de Jacques Panier. L’amour est-il un piège que nous tend le génie de l’Espèce, aux seules fins de se perpétuer? C’est ce que pensent Peluque et Grasset. C’est aussi l’idée de Jacques Panier, qui a juré qu’on ne l’y prendrait pas. Mais les plus belles idées ne pèsent pas lourd contre la nature, et comment rester philosophe quand on voit passer tous les jours, à la même heure, discrète, silencieuse et timide, une petite fille aux yeux sombres?
« A dix-sept ans, Jacques Panier étudiait la philosophie dans un lycée sous la direction du plus accueillant et du plus regretté des maîtres. C’était un grand garçon mince, à la figure pâle, avec des traits fort nets et des yeux clairs d’adolescent. Aux heures philosophiques, qui sont, comme chacun sait, de cinq à sept, il m’entretenait longuement sur un banc de la Plaine, proche le boulevard Chave. »
Mon avis :
Ce n’est pas la première fois que je fais place à Marcel Pagnol sur le blog. Auteur coup de cœur, je savoure son œuvre à pas de velours. Mise en lumière aujourd’hui sur La petite fille aux yeux sombres, édité en 1921.
Moins populaire que les romans et pièces de théâtre de l’artiste, La petite fille aux yeux sombres est une nouvelle publiée à l’origine dans une revue littéraire créée par Marcel et ses amis. On y retrouve les personnages du Mariage de Peluque, édité en 1932.
Jacques Panier a promis de ne jamais tomber amoureux. L’amour, c’est pour les autres, on ne l’y prendra pas ! Ses amis Grasset et Peluque n’y croient pas un mot. Surtout depuis qu’il a croisé la petite fille aux yeux sombres…
Marcel Pagnol, c’est un accent. Celui du Sud qui nous glisse à l’oreille quand on ouvre un de ses livres. Marcel Pagnol, c’est une musique. Comme le chant des cigales, l’eau qui coule d’une fontaine et le souffle du mistral. Marcel Pagnol, c’est la poésie. Notre belle langue française mise à l’honneur avec simplicité et beauté.
La petite fille aux yeux sombres, c’est tout cela à la fois, et bien plus encore. La malice des personnages, qui tour à tour se jouent l’un de l’autre. Jacques n’est semble-t-il pas amoureux de cette petite fille ? Qu’à cela ne tienne, un piège lui est lancé par ses deux comparses. La philosophie parsemée ça et là dans la fiction du récit. L’humour et la tendresse infinie de l’auteur pour les Hommes, qui transpire inévitablement dans le texte.
Je ne résiste pas à vous retranscrire quelques phrases dénichées au fil de ma lecture et qui illustrent tellement bien l’esprit de l’écrivain :
« Toutefois, il venait d’avoir vingt ans ; il partit donc pour une lointaine caserne : l’amitié d’un capitaine lui valut un poste envié. »
« Une parente de ma mère doit arriver de Lyon. Elle est riche et fort âgée. Ces deux considérations lui donnent droit à mon escorte. »
« Le lendemain, je ne fus point dupe de mon mensonge, comme il arrive quelquefois, et je n’allai pas attendre à la gare une ancêtre imaginaire. »
La narration alternée proposée par le célèbre auteur appuie sur la roublardise des protagonistes. Ils sont fins, espiègles et délicieusement attachants. J’ajoute cette nouvelle à ma belle collection et je ne peux que vous la recommander si vous ne connaissez pas encore l’univers de Marcel Pagnol.