La nuit des pères, Gaëlle Josse : Mon avis
Quatrième de couverture :
Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l’oubli. Après de longues années d’absence, elle appréhende ce retour. C’est l’ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer. Entre eux trois, pendant quelques jours, l’histoire familiale va se nouer et se dénouer. Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l’ombre de la grande Histoire, du poison qu’elle infuse dans le sang par-delà les générations murées dans le silence. Les voix de cette famille meurtrie se succèdent pour dire l’ambivalence des sentiments filiaux et les violences invisibles, ces déchirures qui poursuivent un homme jusqu’à son crépuscule.
Retrouvailles apaisées.
Dans la grande jungle de la rentrée littéraire et ses 490 parutions*, il y a un titre dont j’attendais l’arrivée avec impatience. Avantage suprême de ma profession, l’ouvrage m’était livré un mois avant sa sortie en librairie. La nuit des pères,huitième roman de Gaëlle Josse, paraît aujourd’hui aux éditions Noir sur Blanc.
Il a fallu l’absence et le silence pour mieux revenir. La colère calmée, les rancœurs endormies, Isabelle peut réapparaître. Le présage d’un bouleversement, aussi, vient précipiter ce retour. Les mots de son frère Olivier, limpides, laissent deviner le pire. Isabelle doit accourir. Une discussion les attend au sujet de leur père…
Comment préparer des retrouvailles ? Comment appréhender la réconciliation ? Après des années d’éloignement, l’urgence de l’invitation d’Olivier prend Isabelle de court. Le temps semble compté. En ravivant son passé, la jeune femme prend la plume et interpelle ce père qu’elle s’apprête à retrouver.
« Son appel, c’était il y a deux mois, aux premiers jours de l’été, lorsque tout semble se figer pour toujours dans l’explosion de tous les verts de la création, dans cette exubérance du végétal à son apogée, dans l’ombre profonde des grands arbres, dans ces journées qui s’allongent sans vouloir finir. C’est ma saison préférée. »
Quand le dialogue est rompu, l’écriture soigne. Ainsi pourrions-nous interpréter les écrits de la narratrice. Au matin du 21 août 2020, à l’approche du domicile familial, Isabelle ouvre son journal intime. Elle, qui n’a pas échangé un mot avec son père depuis des années, revient sur les blessures de l’enfance et les vieilles querelles. Parmi les souvenirs, une douleur plus vive, plus récente, refait surface. Isabelle raconte Vincent. Son décès, brutal, et sa culpabilité personnelle, indélébile.
Évoquer les romans de Gaëlle Josse, c’est se confronter à une maîtrise parfaite de notre langue. Parler d’un style, travaillé et aiguisé. Raconter les textes courts et souligner l’art d’aller à l’essentiel. Ne pas oublier l’émotion et les forts caractères de ses héros. Se rappeler les relations familiales, le combat des femmes, l’Histoire, jamais très loin.
Il y a un peu de tout cela dans La nuit des pères. L’autrice dit aussi le pardon, la mémoire qui s’efface, l’amour des livres, l’Algérie, la résilience ou le deuil. Dans sa fugacité habituelle, elle dresse un récit fouillé et émouvant.
Alors, si je garde une affection particulière pour Une femme en contre-jour, ce roman vient sublimer cette rentrée littéraire.
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Et vous, quel roman de Gaëlle Josse
me recommanderiez-vous ?
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