La carte postale, Anne Berest : Mon avis
Quatrième de couverture :
« La carte postale est arrivée dans notre boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de vœux. Elle n’était pas signée, l’auteur avait voulu rester anonyme. Il y avait l’opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et son oncle, morts à Auschwitz en 1942. Vingt ans plus tard, j’ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale, en explorant toutes les hypothèses qui s’ouvraient à moi.
Ce livre m’a menée cent ans en arrière. J’ai retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre.
J’ai essayé de comprendre pourquoi ma grand-mère Myriam fut la seule qui échappa à la déportation. Et d’éclaircir les mystères qui entouraient ses deux mariages.
Le roman de mes ancêtres est aussi une quête initiatique sur la signification du mot “Juif” dans une vie laïque. »
Sur les traces du passé.
Comme la carte postale reçue par Lélia en 2003, le roman d’Anne Berest dormait sur l’étagère de ma bibliothèque depuis un moment. La vague médiatique retombée, le moment était venu de le lire. Prix Renaudot des lycéens en 2021, Grand Prix des Lectrices ELLE plus récemment, La carte postale est parue chez Grasset à la rentrée littéraire de septembre dernier.
Lorsque la famille d’Anne reçoit cette carte, floquée des prénoms de ses arrières grands-parents, grand-oncle et grand-tante, soixante ans après leur disparation à Auschwitz, l’interrogation générale laisse place à l’oubli, parmi les contraintes déjà pesantes du quotidien. C’est une phrase, balancée dans une cour d’école parisienne, quinze ans plus tard, qui ravivera l’existence de l’étrange missive, et poussera Anne et sa mère Lélia à enquêter sur son émetteur…
« Ces quatre prénoms, c’étaient ceux de ses grands-parents maternels, de sa tante et de son oncle. Tous les quatre avaient été déportés deux ans avant sa naissance. Ils étaient morts à Auschwitz en 1942. Et ils resurgissaient dans notre boîte aux lettres soixante et un ans plus tard. Ce lundi 6 janvier 2003. »
Comment ne pas vouloir raconter cette histoire incroyable ? Elle semble être née pour être couchée sur papier. Afin de comprendre l’intrigue, il faut revenir à la source. L’écrivaine ouvre son roman sur le récit familial, celui des Rabinovitch en 1918 à Moscou. Ephraïm, son arrière grand-père maternel, épouse Emma. Sous fond d’antisémitisme, ils fuient la Russie pour la Lettonie, la Palestine, puis Paris. Le couple aura trois enfants. Myriam, Noémie et Jacques.
Très émue à la lecture de la trajectoire des protagonistes, les dialogues entre Lélia et sa fille dans cette première partie, tendent à nous infantiliser. Relatant des faits de la Seconde Guerre mondiale et de l’Histoire juive, l’autrice traduit les propos de sa mère, déjà connus du grand public.
Le second volet du livre renvoie aux recherches des deux femmes : leurs questionnements, leurs doutes face au passé, aussi violent et émouvant qu’il soit. Anne Berest s’interroge aussi sur la religion judaïque, et la place qu’elle occupe ou non, dans sa personnalité. C’est, de loin, l’épisode qui m’a le plus captivée.
Si j’ai pu trouver quelques longueurs dans le dernier segment, la tournure des faits et les différentes révélations valident le brillant travail de retranscription d’Anne Berest. La réalité dépasse parfois la fiction. Le destin romanesque des Rabinovitch ne pouvait aboutir autrement que dans un livre.
Avez-vous lu ce livre ?