Âme brisée, Akira Mizubayashi : Mon avis
Quatrième de couverture :
Tokyo, 1938. Quatre musiciens amateurs passionnés de musique classique occidentale se réunissent régulièrement au Centre culturel pour répéter. Autour du Japonais Yu, professeur d’anglais, trois étudiants chinois, Yanfen, Cheng et Kang, restés au Japon, malgré la guerre dans laquelle la politique expansionniste de l’Empire est en train de plonger l’Asie.
Un jour, la répétition est brutalement interrompue par l’irruption de soldats. Le violon de Yu est brisé par un militaire, le quatuor sino-japonais est embarqué, soupçonné de comploter contre le pays. Dissimulé dans une armoire, Rei, le fils de Yu, onze ans, a assisté à la scène. Il ne reverra jamais plus son père… L’enfant échappe à la violence des militaires grâce au lieutenant Kurokami qui, loin de le dénoncer lorsqu’il le découvre dans sa cachette, lui confie le violon détruit. Cet événement constitue pour Rei la blessure première qui marquera toute sa vie…
Violence de la guerre VS douceur du violon.
Ma récente découverte d’Âme brisée (éditions Gallimard, 2019) est encore histoire de transmission. Celle d’une lectrice, Hadassah, m’offrant son exemplaire au détour d’un goûter littéraire. A l’image des héros du roman d’Akira Mizubayashi, ma comparse de lecture ne conçoit pas autrement sa passion que par l’échange. A mon tour, je vous partage ce joli conte…
A l’abri des regards et animés par la beauté de la musique classique, Yu, Yanfen, Cheng et Kang se réunissent régulièrement pour jouer ensemble. Ce jour-là, la répétition est interrompue par l’arrivée des militaires. Lors de l’interpellation, le violon de Yu est broyé au sol et le petit groupe est embarqué. Le fils de Yu, Rei, était caché au fond d’un placard durant l’intervention des soldats. L’un d’entre eux, touché par le jeune garçon, lui tend l’instrument brisé.
Des années plus tard, c’est en France que Rei, devenu Jacques, voit son passé le rattraper…
« Il posa son regard sur le violon mutilé. Il s’accroupit. Il le prit délicatement dans ses mains, ce corps souffrant avec les quatre cordes distendues dessinant des courbes tourmentées comme celles des tuyaux et des fils de raccordement électrique couvrant le visage d’un accidenté grave ou d’une victime d’un bombardement aveugle. »
Si, de par son titre, Âme brisée, l’on devine l’esprit, la personnalité, l’auteur évoque ici aussi l’âme du violon, ce petit cylindre de bois à l’intérieur de l’appareil, responsable de sa résonance.* En écrasant de son pied l’instrument de Yu, le militaire en a détruit jusqu’à l’âme. Rei se donnera ensuite pour mission de vie la restauration de l’objet paternel.
La brutalité de l’acte renvoie à la violence de la guerre, en opposition à la douceur du groupe qui ne fait que partager un bon moment en interprétant des morceaux de musiques classiques. Akira Mizubayashi déploie un texte poétique sur le poids du déracinement et de la transmission. Un livre, on le devine, inspiré de ses racines familiales japonaises.
Beauté, délicatesse et lumière émanent de ce roman. J’y ai aimé la très belle histoire d’amour décrite entre Jacques et Hélène, et leur dévotion commune à la musique. Une fiction, née du contexte politique compliqué et réel dans les années 30 au Japon.
A lire aussi :Le Stradivarius de Goebbels de Yoann Iacono paru chez Slatkine & Cie en 2021. Ce livre, entre fiction et réalité, met en lumière le destin incroyable de Nejiko Suwa, star de la musique classique nippone, inconnue en France. Ma chronique est à redécouvrir par ici.
*définition empruntée de www.violon.com
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Connaissiez-vous ce roman ?
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