Christian Bobin : de la désillusion au bouleversement
A la table d’un restaurant parisien en juin dernier, je me laisse influencer par mes deux comparses du jour. Lucie et Marie sont formelles : la plume de Christian Bobin – que je n’ai encore jamais lu – ne peut que me plaire.
Sur le chemin qui me ramène à la gare, je trouve une librairie et me procure le seul titre disponible de l’auteur disparu, Le muguet rouge.
Mon train n’est pas encore arrivé à Lille mais j’ai déjà démarré ma lecture…
La déception
Avant mon achat, Lucie et Marie m’avaient cité quelques ouvrages. Le poète ayant publié une trentaine de livres au cours de sa vie, j’avais besoin de références avant de me lancer à l’assaut. Les deux amoureuses de Bobin m’avaient ainsi recommandé La plus que vive, Un bruit de balançoire ou La Part manquante.
Devant les 78 pages du Muguet rouge, je ne m’avouais pas vaincue, pressentant que ce texte court et aéré serait une excellente première entrée en matière dans l’univers de mon futur maître !
La désillusion fut à la hauteur de mes espérances… Un récit abstrait et décousu me faisait rapidement perdre le fil. L’auteur y évoque son père décédé, quelques écrivains comme Nerval ou Pascal, ou encore Dora, aimée de Kafka. J’ai terminé le livre perdue et désorientée, et n’en garde aujourd’hui que peu de souvenirs…
Allais-je renoncer à aimer les mots de Christian Bobin ?
La seconde chance
Une semaine plus tard, je posais mes valises à Lyon, bien décidée à retrouver Bobin dans les nombreuses librairies de la ville. Après plusieurs boutiques, je me rendais à l’évidence : les titres référencés par mes deux acolytes restaient introuvables…
C’est finalement au musée que me vint une idée. Sensible aux récits et romans sur l’art, le texte Pierre, de Christian Bobin, écrit en hommage au peintre Pierre Soulages, pourrait davantage me convaincre.
De nouveau, je n’attendais pas mon retour pour me jeter à l’eau. Le livre raconte l’amour, l’admiration et le respect que les deux hommes se portaient de leur vivant. J’y trouvais tantôt, des passages d’une grande beauté, tantôt des chapitres moins émouvant.
Après un bilan mitigé et une seconde chance donnée au poète, le coup de cœur aura-t-il lieu ?
La révélation
En rentrant de vacances, j’en faisais mon affaire ! Je partais à la recherche de La plus que vive dans les librairies lilloises. Comme d’habitude, je le lisais dans la foulée, me promettant de tirer définitivement un trait sur l’auteur en cas de nouvel échec.
Au soir du 12 août, j’entamais enfin le récit, émue du hasard que la vie m’offrait : j’y découvrais l’hommage d’un homme à son amie victime d’une rupture d’anévrisme le 12 août 1995. Voilà peut-être pourquoi il m’avait tant couté d’acheter La plus que vive. Lire les mots de Christian Bobin 29 ans jour pour jour après la disparition de son « héroïne » me faisait littéralement un coup au cœur.
J’étais enfin récompensée, soulagée et émerveillée face à tant de poésie et de beauté. La rencontre avec l’auteur avait eu lieu, j’en étais rassurée et pouvait remercier Lucie et Marie de l’avoir mis sur mon chemin…
En préparant cet article et en me remémorant la quête de ces deux derniers mois, je me suis aperçue que l’univers de Christian Bobin ne m’était pas totalement inconnu avant cette année. Dans l’historique du blog, je retrouvais une trace de ma lecture de La Dame blanche dont l’exemplaire papier ne figure plus sur mes étagères. J’avais déjà lu l’écrivain, et je ne m’en souvenais absolument pas…
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Avez-vous déjà lu Christian Bobin ?
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