Le jour des corneilles, Jean-François Beauchemin : Mon avis
Quatrième de couverture :
Sise au fin fond de la forêt, une cabane en rondins abrite deux êtres hallucinés : un colosse marqué par la folie et son fils. Orphelin de mère livré à lui-même, nourri dans ses premiers jours avec le lait d’une hérissonne trouvée morte, ce dernier se retrouve adulte devant un juge silencieux pour avouer des actes inqualifiables. Son témoignage l’amènera à révéler peu à peu, en toute ingénuité et dans une langue unique, l’incroyable histoire de sa vie comme le destin tragique de son père.
Une langue unique
Lauréat du Prix France-Québec en 2005, Le jour des Corneilles est le cinquième ouvrage de Jean-François Beauchemin. Après un vif succès, ce roman fut adapté en film d’animation en 2012. L’auteur canadien compte aujourd’hui une vingtaine d’écrits à son actif.
Dans son phrasé particulier, le héros témoigne auprès d’un juge. Il raconte, par sa langue oubliée, les années passées en tête à tête avec son père. Au cœur de la forêt, ce duo solitaire a vécu en ermite, éloigné de toute civilisation. Ayant perdu sa mère à la naissance, le narrateur a dû subir un paternel violent, sauvage, proche de la folie et loin d’être aimant. Jusqu’à cet acte ultime, inévitable si l’on en croit ses mots, l’enfant n’a de cesse cherché l’amour et la reconnaissance dans les yeux de son géniteur…
« J’ambitionnais de retrouver père. D’où me venait que, malgré ses cruels mouvements à mon endroit, je le chérissais plus que l’existence même ? Était-ce là l’effet puissant et impénétrable de la lignée ? Le sang qui course dans nos veines est-il à ce point porteur de sentiment ? Mystère de nos jours ! Diablerie de la naissance, de la souche et de la famille ! »
Le jour des corneilles est de ces ovnis littéraires dont il est si difficile de parler. Et pour cause. En rédigeant son roman en vieux-français, l’auteur n’a pas choisi la simplicité. Quel travail immense et quel talent ! Si les premiers paragraphes peuvent effrayer, étonnamment la mécanique prend vite. Le texte est dense, le vocabulaire complexe mais cette langue unique apporte tant au poids du récit.
Jean-François Beauchemin décrit deux marginaux portés par les esprits et les morts qu’ils rencontrent… Derrière un univers sombre, étrange, l’écrivain déploie l’histoire terriblement humaine d’une quête d’amour.
Certains passages ont mis ma sensibilité à rude épreuve mais j’ai été touchée par les confidences du protagoniste. Pour éviter l’abandon, j’ai alterné ma lecture avec un roman plus léger. Je suis fière d’y être arrivée et heureuse d’avoir ainsi pu comprendre le chemin proposé par Jean-François Beauchemin.
A lire aussi : si l’écriture ardue du Jour des corneilles vous rebute, je vous invite à découvrir l’univers de Jean-François Beauchemin avec son roman Le Roitelet. Lu en février dernier (Le Roitelet est paru en 2023), cette lecture est à ce jour mon plus gros coup de cœur de l’année. Je vous en parlais par ici.
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Avez-vous déjà lu Jean-François Beauchemin ?
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