Sur la bouche, Rebecca Benhamou : Mon avis
Quatrième de couverture :
Tout part d’un simple geste, celui de farder sa bouche. Un geste anodin, associé par excellence à la féminité, dans lequel se jouent pourtant nombre d’invisibles dialectiques. Symbole d’émancipation des femmes ou de leur soumission, emblème de patriotisme ou de trahison, de conformisme ou de rébellion, de plaisir ou d’aliénation… Il est un langage muet, mi-parure mi-porte-voix, qui raconte autant l’intime que le collectif. À travers les pérégrinations du bâton de rouge, qu’il se pose sur les lèvres des suffragettes, des prostituées, des garçonnes, des soldates ou des stars du cinéma, c’est bien de la place des femmes dans l’espace public qu’il est question ici. De la ruée dans les premiers grands magasins à la fin du XIXe siècle à l’ère post-MeToo en passant par le lipstick feminism, le récit de Rebecca Benhamou frappe à toutes les portes, donnant la parole aussi bien à Zola qu’à Madonna, à Fitzgerald qu’à Colette, à Roosevelt qu’à Vivienne Westwood.
Une histoire insolente de rouge à lèvres.
Coup de cœur de ma librairie de quartier et d’une lectrice de confiance, le livre de Rebecca Benhamou a très vite fini sur ma table de chevet. Sur la boucheest paru en 2021 aux éditions Première Parallèle.
A l’ère de la pandémie du Covid-19, on en oublierait presque son existence. Alors que les ventes de rouge à lèvres se sont effondrées dans tous les pays depuis le port du masque, Rebecca Benhamou s’est intéressée à son histoire et à celles qui le portent. De la fin du XIXe siècle à aujourd’hui, la journaliste dresse un essai chronologique et détaillé sur les tubes de maquillage.
Ouvrant son livre sur une citation de Casanova (Histoire de ma vie, 1822), l’autrice revient d’abord sur les prémices du rouge à lèvres et les raisons qui ont amené les femmes à le porter dès 1870. Au fil des chapitres, Rebecca Benhamou explique les mouvements sociétaux et/ou politiques qui ont fait évoluer les mentalités, citant à chaque fois les acteurs majeurs de la mode ou du monde de l’entreprenariat ayant œuvré pour ces changements.
« Entre des siècles d’injonctions et l’ouverture progressive du champ des possibles, la marge de manœuvre dans la construction de soi, de sa propre image, est étroite et complexe, mais riche d’enseignements pour qui saura lire, et porter un regard neuf et ouvert, sur les lèvres rouges. »
Suffragettes aux États-Unis, naissance des galeries parisiennes, crise boursière de 1929, baby boom ou encore légalisation de la pilule contraceptive en 1963, l’évolution du tube de maquillage nous est contée à travers l’Histoire. Combats féministes, affirmation de soi… Les raisons de porter du rouge à lèvres ont évolué selon les époques. Parmi les faits énoncés, on retiendra l’anecdote sur l’écrivaine Colette qui, en 1932, créa sa marque de cosmétique et ouvrit un institut de beauté.
Surprenant et pertinent, Sur la bouche offre un miroir de notre société. Une analyse assez complète et très ludique à lire, que vous soyez féministes ou non. Au-delà des courants du célèbre bâton, j’ai aimé redécouvrir l’Histoire du monde. En bonus, près de quinze pages de notes clôturent l’ouvrage. Rebecca y a retranscrit des dizaines de sources, pour les curieux en soif de lecture sur le sujet.
En ce mois de mars et de la journée mondiale des droits des femmes, c’est l’occasion parfaite de lire Sur la bouche.