Ana, Cathy Borie : Mon avis
Quatrième de couverture :
Un soir, Clotilde succombe au charme sombre de Louis. La nuit d’amour se transforme en une relation non consentie. Suspectée de l’avoir poussée sous une rame de métro, Clotilde est condamnée à 4 ans de prison. De cette seule nuit d’amour subie, naîtra en prison une petite fille. Ana, abandonnée sous X. Ana refusant avec colère l’adoption, allant de famille d’accueil en famille d’accueil, personnalité attirante et incompréhensible jusqu’au jour où à 16 ans elle s’enfuit de son foyer. C’est l’errance dans les rues de Paris, la découverte des violences de la nuit : le squat, la drogue, les risques de viol, l’alcoolisme, la prostitution. Un texte où les émotions l’emportent, où la question du consentement est posée. Un livre aussi sur le destin. Une vie peut changer en un instant.
Deux destins malmenés.
Ana, ce fut d’abord un souvenir, celui de ma lecture du roman de Rosie Price, Le rouge n’est plus une couleur, dans lequel l’héroïne est victime d’un viol. Puis, très vite, ce sentiment s’est effacé, laissant toute la place au texte de Cathy Borie. Après un précédent titre remarqué par la critique (Dans la chair des anges, éd. Carnets Nord, premier prix du concours Draftquest/Librinova), l’écrivaine publie en ce 6 janvier Ana chez L’échelle du temps.
Lorsque Clotilde rencontre Louis à la bibliothèque universitaire, elle ne peut imaginer le tsunami qui l’attend. Ce fameux effet papillon qui d’un battement d’aile lui fera connaître la prison. Dix-huit ans plus tard, après l’errance, le cataclysme enclenché par le jeune homme semble enfin annoncer une renaissance…
« Au début, elle eut seulement conscience de la beauté du corps de Louis penché au-dessus d’elle. Cette peau d’ambre brun. Ces muscles denses qui jouaient sous la surface de sa chair élastique. Son souffle de cannelle. Et la douceur de ses mains qui glissaient, tels des poissons, sur sa peau à elle. Le beau Louis qu’elle avait tant admiré, dont elle avait guetté les regards et les sourires, comme ceux d’un dieu inaccessible. Il était là, son visage d’ange sombre à quelques centimètres de sa bouche, si proche, elle pouvait s’emplir les narines de son odeur, toucher son cou avec sa langue, planter les dents dans son épaule. »
Jeune étudiante en psycho et passionnée de lecture, Clotilde sombre dans la dépression après que Louis l’a contraint à une relation sexuelle forcée. Ce viol, qu’elle n’arrive pas à nommer, aura des conséquences dramatiques sur son destin. Si Clotilde se pose longtemps la question du consentement, la réalité la rattrape lorsqu’elle apprend être enceinte du garçon… Cathy Borie déploie un récit ténébreux, une descente aux enfers, s’ouvrant, heureusement, sur la lumière.
En seconde partie, l’auteure nous parle d’Ana, adolescente meurtrie, qui choisit la rue pour refuge. De rencontres en abandon, la jeune fille commettra le pire, dépassée par cette société qui ne la comprend pas. Ana est poète, libre, sans racine mais à la recherche d’une figure maternelle.
Deux héroïnes attachantes, blessées par la vie, en quête de sens et d’identité. Deux fragilités, animées toutes deux par l’amour des mots. Deux temporalités, dont les chapitres ont en commun des titres de romans.
Loin de l’écrit larmoyant, Cathy Borie offre un scénario humain et lumineux, où l’espoir anime chaque page. Un livre parfois dur, au final émouvant. Une jolie découverte en cette rentrée littéraire d’hiver.